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Faillite pour le studio américain Annapurna Pictures
Dans une industrie du cinéma de plus en plus formatée par des Majors toutes à leurs obsessions de bâtir leurs Tentpoles Movies, où l'empire Disney cannibalise régulièrement le Box Office, Annapurna Pictures est à juste titre considéré comme une valeur refuge, un havre de paix pour ces productions originales et adultes mais jugées à risques, que d'ailleurs plus aucune grande Major ne se risque à produire. Selon The Hollywood Reporter, qui rapporte l'information, Annapurna Pictures vient de se déclarer en faillite, et fait la demande de se placer sous la protection du Chapitre 11 de la loi sur les faillites des Etats-Unis.
En clair, lorsqu'une entreprise n'est pas en mesure d'assumer sa dette ou de payer ses créanciers, l'entreprise ou ses créanciers peuvent déposer une demande pour être placée sous la protection du chapitre 11 de la loi sur les faillites auprès d'un tribunal fédéral. Placé sous la protection du chapitre 11, le débiteur garde, dans la plupart des cas, le contrôle de ses opérations, mais est soumis à la surveillance du tribunal, contrairement au chapitre 7, où l'entreprise est mis en faillite et cesse ses activités. Ce n'est donc pas la fin d'Annapurna Pictures, mais la société est incontestablement fragilisée, au moins jusqu'à ce qu'elle redresse la situation. Et dans un paysage hollywoodien où la lutte est devenue sans merci, affolé entre le poids désormais écrasant de Disney et les coups de boutoir de Netflix, la période à venir s'annonce compliquée pour cette société née en 2011.
Annapurna Pictures a été fondé par Megan Ellison, fille du milliardaire Larry Ellison (l'un des hommes les plus riches du monde, inventeur du système informatique Oracle), à seulement 25 ans. Le credo de départ du studio était clair : "Annapurna Pictures est une société de production de films fondée dans le but de créer des oeuvres sophistiquées et de grandes qualités qui seraient jugées trop risquées à produire par les studios hollywoodiens actuels" précise d'ailleurs son site internet.
Une image de franc-tireur donc, qui lui va bien. Le studio est en effet derrière la production de très solides films, comme le Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow; Foxcatcher, American Bluff, Des hommes sans loi de John Hillcoat, le génial Her de Spike Jonze, le film d'animation trash Sausage Party ou, tout récemment, le film Vice, porté par Christian Bale. En 2010, Megan Ellison volait au secours des frères Coen, qui ne parvenaient pas à boucler le financement de leur pourtant formidable western True Grit. Si The Master, le film exigeant de Paul Thomas Anderson, gros échec commercial, lui a fait perdre 16 millions € en 2013, cela ne l'a pas empêché de remettre la main au porte-monnaie pour produire le remarquable mais là-aussi anti commercial Phantom Thread du même cinéaste. Annapurna Pictures a aussi produit le dernier film de Kathryn Bigelow, Detroit, qui a malheureusement, lui aussi, été un très gros échec commercial. En 2014, Megan Ellison a l'honneur d'être la première productrice nommée pour deux films en compétition pour l'Oscar du Meilleur film; en l'occurence pour Her et American Bluff. A date, l'intéressée est d'ailleurs l'une des productrices de films les plus nominées aux Oscars, avec pas moins de 52 nominations en huit ans au nom de sa société.
La firme a dans ses cartons certains films en préparation, comme le drame Not Fade Away, porté par Emily Blunt; un autre sur la chute d'Harvey Weinstein, basé sur une enquête du New York Times et récompensée par le Prix Pulitzer. Plus proche de nous, le studio s'apprête à sortir aux Etats-Unis, le 16 août prochain, le nouveau film de Richard Linklater, Bernadette a disparu.
A noter par ailleurs que, dans sa stratégie de diversification, Annapurna Pictures s'est lancé en 2013 dans la distribution de film, en l'occurence avec The Grandmaster de Wong Kar-Wai. Plus récemment, elle s'était occupé de la coproduction et distribution aux Etats-Unis du film de Jacques Audiard, Les Frères Sisters. En décembre 2016, la firme a créé le département Annapurna Interactive, consacré à l'édition de jeux vidéo labélisés indépendants. Et pour sa première création en 2017, la firme a frappé très fort, avec le remarquable jeu d'aventure What Remains of Edith Finch, auquel on pourra adjoindre aussi la belle pépite vidéoludique qu'est Kentucky Route Zero, sorti en 2018.
Quoi qu'il en soit, la perspective d'une liquidation pure et simple d'Annapurna Pictures serait à coup sûr dévastatrice pour la sphère des films indépendants, qui tentent déjà difficilement de survivre dans une industrie ne prenant plus aucun risque...
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Tags : Annapurna Pictures
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