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Grace Lee Whitney, ou l'histoire oubliée de Star Trek
Derrière la lumière des projecteurs, le strass des paillettes et le glamour des tapis rouges, existe une autre histoire du mythe hollywoodien. Celle des rêves déchus, des faits divers sordides et des carrières éphémères, des talents étincelants oubliés du jour au lendemain ou encore ceux qui n'ont jamais connu la gloire, ne serait-ce qu'un court instant...
Après Frances Farmer la semaine passée, notre feuilleton consacré aux victimes du système hollywoodien s'intéresse cette fois-ci à l'actrice Grace Lee Whitney. Son nom ne vous est peut-être pas connu, et pour cause puisque sa carrière se résume essentiellemement à des apparitions dans la série puis les films Star Trek. Il n'est d'ailleurs pas impossible que de nombreux trekkies ne connaissent pas le nom de Grace Lee Whitney, mais peut-être davantage celui de son personnage : Janice Rand.
Pour comprendre l'histoire de Grace Lee Whitney, il est essentiel de remonter à son enfance. Elle n'a que trois ans quand elle décide de devenir actrice, s'entraînant à chanter devant la lumière de son réfrigérateur. Adolescente, elle fait ses débuts sur scène, et ses dons d'actrice et de chanteuse lui ouvrent rapidement les portes du show business, puis de Broadway.
Elle apparaît ensuite dans quelques films, dont Certains l'aiment chaud (dans un rôle toutefois non-crédité) et Irma la Douce de Billy Wilder, mais c'est à la télévision que la jeune femme s'impose peu à peu comme une comédienne reconnue, apparaissant le temps d'un épisode dans de nombreux feuilletons à succès de l'époque, tels que Gunsmoke, Au-delà du réel, Les Incorruptibles ou encore The Real McCoys.
Pourtant, dès cette époque, Grace Lee Whitney cache en elle des blessures douloureuses. Âgée d'à peine sept ans, elle apprend de ses parents qu'elle a été adoptée. Cette annonce va créer en elle un sentiment d'abandon profond, et ouvrir des failles intimes qu'elle ne parviendra plus jamais à refermer. Elle suit pendant plusieurs années une thérapie intensive mais sa fréquentation du milieu du spectacle - aux côtés d'autres écorchés de la vie - la pousse lentement mais sûrement sur la voie de l'alcoolisme.
Lorsqu'elle décroche le rôle de Janice Rand dans la série Star Trek en 1966, Grace Lee Whitney est une jeune actrice comblée, puisqu'il s'agit alors du tout premier emploi stable de sa carrière, son personnage étant amené à jouer un rôle récurrent dans la série. Et en effet, dès les premiers épisodes, une relation particulière s'installe entre Rand et le capitaine James T. Kirk, ainsi qu'entre leurs interprètes Grace Lee Whitney et William Shatner.
Mais très vite, le rêve hollywoodien va virer au cauchemar. D'une part, la relation qui se tisse entre Janice Rand et le capitaine Kirk n'est pas vue d'un bon oeil par les producteurs de la série et William Shatner. Selon eux, il est essentiel que le personnage soit vu comme un séducteur, et qu'il ne possède aucune attache, si ce n'est avec son vaisseau et son équipage. C'est pourquoi après quelques épisodes, Janice Rand sera réléguée au rang de personnage secondaire, voire de simple figurante.
Peu de temps après, Grace Lee Whiney est violée par l'un des producteurs de Star Trek, épisode qu'elle racontera plusieurs décennies après les faits dans son autobiographie The Longest Trek: My Tour of the Galaxy (1998). Le nom de son agresseur n'y est pas révélé - et n'est à ce jour toujours pas connu. A l'époque, les crimes sexuels ne sont pas punis (une nouvelle loi entre en vigueur quelques années après l'agression) et l'actrice ne porte de toute façon pas plainte. Dans son livre, elle précise toutefois qu'elle a été victime, comme bon nombre d'actrices, d'un réseau impliquant plusieurs autres producteurs, usant de leur influence réduire au silence leurs victimes.
Quelques jours après l'agression, l'actrice apprend son renvoi de la série, officiellement pour des raisons d'ordre créatif, mais également en réaction aux addictions dont la comédienne était alors sujette (alcool, bien qu'elle ne soit jamais apparue ivre sur le plateau, mais également les pilules de régime qu'elle s'imposait pour garder la ligne - et son travail).
Ce licenciement brutal réveille les douloureux épisodes de son enfance, et plonge Whiney dans une phase d'autodestruction faite d'abus d'alcool et de drogues. "Cela ne pouvait pas être le personnage mais bien moi qui posait problème. Donc ils m'ont abandonné à leur tour" ruminait alors à l'époque l'actrice, au fond du trou.
Cette période de dépression et ses excès en tous genres plongent la comédienne dans un mal-être permanent mais aussi dans l'oubli, car les propositions de rôles se font alors de plus en plus rares. "J'étais perdue, et c'est là que j'ai touché le fond. Toucher le fond signifiait alors en avoir marre d'en avoir marre, et j'avais désespérement besoin d'aide à ce moment-là" décrit-elle dans son autobiographie.
En 1976, après plusieurs années d'errance, Grace Lee Whitney retrouve la lumière, et parvient à se sortir des addictions grâce à la religion. C'est pour elle une véritable résurrection, qui lui permet de repartir de l'avant, aussi bien sur le plan personnel que professionnel. Star Trek n'est alors plus diffusée depuis 1969 (elle a été annulée au terme de sa troisième saison, faute d'audiences) mais les rediffusions sur les chaînes locales lui ont permis d'attirer un tout nouveau public, et d'obtenir le rang de série culte.
Grace Lee Whitney décide d'aller à la rencontre de Gene Roddenberry, pour s'excuser de ses actes (elle se persuade alors que son renvoi est dû à son alcoolisme) et parvient à émouvoir le créateur de Star Trek, qui lui promet alors un rôle dans la nouvelle série en préparation, alors intitulée Star Trek: Phase II. La suite on la connait : la série ne voit pas le jour, puisque c'est finalement sous la forme d'un long métrage que Star Trek revient en 1979, dix ans pile après l'arrêt de la série originale (entrecoupé en 1975 par la diffusion d'une série animée de deux saisons).
Roddenberry tient donc sa promesse, puisque Grace Lee Whitney figure effectivement au casting du film, mais également dans plusieurs autres épisodes : A la recherche de Spock, Retour sur Terre et Terre inconnue, le tout dernier long métrage à mettre en scène l'équipage original de la série. En paix avec elle-même, Grace Lee Whitney considère avoir repris le cours normal de sa vie, et participe activement aux conventions Star Trek organisées aux quatre coins des Etats-Unis.
Tout semble alors rentré dans l'ordre, à ceci près qu'à aucun moment de son histoire Grace Lee Whitney n'aura été soutenue par ses collègues, à l'exception de Leonard Nimoy - lui-même alcoolique repenti - qui signe en 1998 la préface de son autobiographie, par ces mots lourds de sens : "Si vous pensez qu'il s'agit d'un énième livre bourré d'anecdotes et de souvenirs sur Star Trek, respirez un grand coup et plongez dans ce récit. Car ce livre va changer la vie de ses lecteurs."
La parution de ses mémoires permet malgré tout à Grace Lee Whitney de clôre l'épisode le plus douloureux de sa vie, trente ans après les faits. Elle consacre ensuite la décennie suivante aux conventions Star Trek, avant de s'éteindre le 1er mai 2015 à l'âge de 85 ans, quelques semaines après le décès de son ami Leonard Nimoy. A sa mort, William Shatner se fend d'un simple tweet, froid et impersonnel : "Mes condoléances à la famille de Grace. Son sourire éblouissait chacune de nos rencontres au fil des années."
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Tags : Grace Lee Whitney, Star Trek
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