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Delicatessen revient au cinéma dans une version restaurée 4K
En avril 1991, l'Hexagone découvrait un véritable OVNI cinématographique : Delicatessen ! Mis en scène par Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro, Cette œuvre bénéficie d'une ressortie en version restaurée 4K grâce à Splendor Films. Véritable pépite, ce film est à (re)découvrir absolument !
Le récit de Delicatessen nous entraîne au milieu d'un terrain vague où se dresse un immeuble habité par d'étranges personnages. Tous sont clients du boucher du rez-de-chaussée, dont les stocks augmentent avec la disparition de certains locataires.
Un beau jour arrive Louison, clown au chômage. Virtuose de la scie musicale, il plaît à Julie, violoncelliste, la fille du boucher.
Delicatessen est le premier long métrage de Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro. Cependant, il ne s'agit pas de leur première collaboration. De façon individuelle, Caro avait notamment fait de la BD et Jeunet de la publicité.
Ensemble, ils avaient déjà réalisé cinq courts-métrages dont Le Bunker de la dernière rafale (1981). Ce film avait fait sensation car il avait déclenché des émeutes dans certaines salles de cinéma. Le duo a également signé Foutaises (1989), qui a remporté le César du meilleur court métrage en 1991.
"J'habitais au-dessus d'une boucherie et j'étais réveillé tous les matins par les coups de hachoir. Ma copine de l'époque me disait : Ils sont en train de tuer les locataires là-haut, et ils descendent chaque jour d'un étage.
Ça va arriver chez nous, il faut vite qu'on déménage ! Voilà comment est né le film. Un lieu clos, car on cherchait un truc pas trop cher, et une idée marrante", confie Jean-Pierre Jeunet dans les colonnes de Première.
Le réalisateur et son acolyte, Marc Caro, ont été beaucoup soutenus par la productrice Claudie Ossard, qui s'est battue pour trouver des financements pour le film.
"Je pensais vraiment trouver l'argent. J'essayais de les rassurer mais ils ne me croyaient plus ! Ils étaient désespérés. J'avais des rendez-vous et j'étais tout le temps dans l'action, mais eux ne pouvaient qu'attendre. C'était horrible. À chaque fois que je voyais des gens, je disais : Ça va aller, ça va aller. Mais ça n'allait jamais", se souvient la productrice.
Finalement, Claudie Ossard a réussi à convaincre UGC, qui lui a signé un contrat pour cinq films. "Elle a dit que Delicatessen serait le premier. Ça a tenu à la ténacité de Claudie. Elle m'a avoué que si on ne l'avait pas appelée tous les deux jours pour lui demander où les choses en étaient, elle aurait peut-être abandonné", indique Jean-Pierre Jeunet.
Delicatessen devait se tourner dans un immeuble voué à la démolition situé dans l'ouest de la banlieue parisienne. Malheureusement, à la dernière minute, le maire a exigé un "bakchich de 100 000 francs" à la production. L'équipe a refusé et a décidé d'aller dans les anciens entrepôts de la Seita, à Pantin, à l'endroit où Luc Besson a filmé Nikita.
"On avait toute une usine à nous pour 5 000 balles par mois, c'était génial, il n'y avait personne à part les pigeons. Le budget était de 18 millions de francs, c'était serré. Il y avait seize semaines de tournage mais on n'avait pas le droit à une seule heure supplémentaire. Certains dimanches, j'ai vu mon Caro faire les patines lui-même sur les décors", souligne Jean-Pierre Jeunet.
Delicatessen est porté par deux comédiens de poids, des "gueules de cinéma" : Jean-Claude Dreyfus et Dominique Pinon. D'après Jeunet, le casting devait être complètement différent !
"Le personnage principal de Louison devait être joué non pas par Dominique Pinon mais par Christophe Salengro, le président de Groland. Alors on a fait des essais et là je me suis rendu compte de la limite de ces acteurs visuels, un peu moins bons dans les dialogues et la composition. C'est là que j'ai eu l'idée de Pinon", explique le metteur en scène.
Pour interpréter le Boucher, Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro avaient jeté leur dévolu sur Jean Bouise. Malheureusement, le comédien est mort avant le tournage, en juillet 1989, à l'âge de 60 ans. Les deux auteurs se sont donc tournés vers Jean-Claude Dreyfus.
"Un jour, ils sont venus chez moi et ont mis le scénario de Delicatessen sur la table. Je leur ai dit : Tiens, c'est amusant, retournez-vous. Et ils se sont retrouvés face à 250 cochons, parce que je collectionne les cochons depuis des années.
Ça les a fait rire. Ils venaient pour me proposer un autre rôle et d’un coup à leurs yeux, je suis devenu le Boucher. Je suis tombé fou amoureux de cette histoire", déclare l'acteur.
Enfin, il faut noter que le chef-opérateur du film n'était autre que Darius Khondji, grand artiste ayant collaboré avec David Fincher (Seven), Woody Allen (Minuit à Paris) ou Bong Joon-ho (Okja).
D'après le directeur de la photographie, Jeunet et Caro avaient toujours tous les deux une vue sur l'ensemble. Cependant, "Caro supervisait tout, particulièrement le visuel : la couleur, la lumière, l'ambiance, les costumes, les décors…"
"Jean-Pierre était vraiment sur la direction d'acteur et la mise en cadre. Mais parfois Caro et moi avions peut-être tendance à aller trop loin dans la stylisation, et Jean-Pierre nous ramenait vers plus de réalisme ou de comédie.
Comme ils avaient tout storyboardé, c'était très précis. C'est rare que je travaille sur un film aussi pensé, travaillé à l'avance. Il n'y a qu'eux, David Fincher et Bong Joon-ho."
En dernière instance, Delicatessen a été très bien accueilli par la critique et le public. Il a notamment attiré 1,5 million de spectateurs au cinéma. Il a aussi remporté 4 Césars en 1992 : Meilleure première œuvre, Meilleurs décors, Meilleur montage et Meilleur scénario original.
Tags : Delicatessen
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